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Michel

Si ce nom procure un air de déjà-vu, pas la peine de s’y fier. Michel est aussi unique que son patronyme semble familier. Tout comme les vrais espions, sa musique vient du froid : un bloc de deep house venu d’Europe de l’Est percé par un rap français, dans lequel il a choisi de placer sa foi. Un mélange de styles qui l’installe déjà comme le futur de la pop, au pays des antihéros.

Élevé près de Valenciennes, c’est en fait en Belgique, aux Beaux-Arts, qu’il trace une première voie. Technique, inédite, sans suite. Un train plus tard et quelques illusions laissées derrière, c’est à Paris qu’il entame une école d’ingénieur du son, où des grands noms de la scène passent au crible du studio sous ses yeux. Pourquoi pas lui, après eux ? Doté d’un flow contaminé par une danse soviétique dont il reflète l’ivresse froide, Michel se lance. De son éducation musicale, il retient le jeu et ses mots, une diction unique, arme personnelle pour développer son storytelling qui fait s’entrechoquer les histoires du quotidien. Le tout dans des virages serrés, souvent au second degré. S’il a mis du temps à accepter son prénom, d’une autre génération qui semblait si lointaine qu’on le croyait à peine quand il se présentait, Michel l’assume désormais entièrement. Et jusqu’à s’approprier des morceaux d’autres Michel artistes. Ainsi, il a revisité sans tabou ces classiques, souvent approuvés par les originaux en décembre 2019. Ces reprises réussissent le challenge de mêler sonorités synthétiques et poésie intemporelle, à l’image de deux EP baptisés “Le Vrai Michel 1 & 2” sortis respectivement les 24 Janvier et 4 Septembre 2020. Il propose de passer en revue tous ses grands moments et ses états d’âme défaillants. Outre un featuring avec Sneazzy, le désopilant « Michel et ses Khey », avec Moussa (« Michel s’élève », tout en auto-tune ironique), Vladimir Cauchemar (« Ta vie ») et Hatik (« Ouais c’est grave »), on suit donc Michel « en ride » ou avec « sa go », où il se trouve étrangement sentimental sans perdre son sens de l’autodérision.

Bref, c’est « le vrai » Michel qui s’exprime ici, celui à qui on remonte régulièrement les bretelles : « Tu stagnes un peu, faut que t’avances, détends-toi, ça te fera du bien. ». Entre portrait d’une génération millénale, questionnement intimiste et remise en question perpétuelle, Michel parle en son nom mais aussi pour tout le monde. Après deux mixtapes, Michel s’est attelé à une bien plus grande tâche : l’album, qu’il assume ouvertement avoir échoué. Mais une bonne nouvelle s’y cache : en effet, il décide de nourrir son public d’un EP de sept titres « Presque Nekete » (« Nekete » étant le nom prévu pour l’album). Un bel objet varié dans lequel Michel tente de nouvelles explorations musicales. Sa musicalité et son sens du détail pourraient déjà le mener vers les comparaisons, reflet et potentiel de la nouvelle garde du rap français. C’est ainsi sans surprise que l’on retrouve son ami Roméo Elvis dans le projet, dans un titre rétro et singulier « La Bête du Rivage ». Attention cependant aux analogies faites à la hâte : Michel disperse toutes envies de rapprochements et garde une âme totalement unique. C’est ce que l’on se dit lorsqu’on entend « Tum Tum » ou encore « Khaled Babe » avec Rvhim, au beat oriental.

Contact : julien@lowwood.fr